Tennis-mag #116 - Décembre 2019 Tennis_Mag #116 joomag | Page 34

ALLISON FORSYTH PARLER DE SON EXPÉRIENCE POUR MIEUX COMPRENDRE Le terme « grooming » revient souvent dans le cadre de cet entretien avec Allison Forsyth. L’ancienne skieuse, qui a notamment participé aux Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002, explique comment un prédateur s’y prend pour manipuler une victime. En français, on parle de « pédopiégeage ». Si cette pratique est commune sur Internet et les différentes applications numériques, Forsyth, elle, la définit comme étant une forme de favoritisme et d’isolement d’un athlète. Allison Forsyth est l’une des douze victimes ou présumées victimes de l’ex-entraîneur Bertrand Charest, qui a été jugé coupable, en 2017, de plusieurs actes de nature sexuelle. L’ancienne skieuse alpine a décidé de sortir de l’ombre en 2018 dans l’espoir d’obtenir des changements dans le monde du sport afin de mieux protéger les athlètes contre de telles agressions. 34 IL LEUR [AUX PARENTS] FERA COMPRENDRE QUE SANS SON AIDE, LE FUTUR DE L’ENFANT, EN TANT QU’ATHLÈTE, EST COMPROMIS ET QU’IL EST INDISPENSABLE DANS LE SUCCÈS DE CE DERNIER. La Britanno-Colombienne est bien placée pour en parler. Selon ses allégations, elle a elle-même été prise au piège à la fin des années 90 par son ex-entraîneur Bertrand Charest. « Le prédateur, ou agresseur sexuel, selon ce qu’elle explique, piègera tout le monde dans l’entourage de la victime. Il s’assurera aussi d’avoir l’organisation sportive [dans laquelle la victime évolue] de son côté. » Il est très intelligent et charismatique, si bien que même les parents seront bernés. C’est d’ailleurs l’une des tactiques utilisées par le prédateur, selon Forsyth. « Il leur fera comprendre que sans son aide, le futur de l’enfant, en tant qu’athlète, est compromis et qu’il est indispensable dans le succès de ce dernier. » L’approche sera la même avec l’athlète, qui sera bien souvent déjà vendu à l’idée. « Il est normal, lorsque nous avons des buts et des objectifs, de vouloir nous attirer les faveurs de notre entraîneur. Il s’agit d’une situation courante et normale. À partir de là, il est très facile d’en tirer profit », affirme Forsyth. Malheureusement, lorsque l’athlète s’aperçoit que quelque chose d’anormal se passe, il est déjà trop tard. Ce dernier se sent alors bien seul. TENNIS-MAG Nº 116 - DÉCEMBRE 2019 - PAR TENNIS QUÉBEC LES SIGNAUX À OBSERVER Quels sont les signes à déceler dans pareille situation? « On doit s’interroger lorsqu'une personne en autorité commence à texter notre enfant, par exemple. Même chose si elle commence à le prendre dans ses bras, ou bien si elle insiste pour conduire seule votre enfant à une destination quelconque. Évidemment, on doit aussi regarder pour tout geste qui pourrait être inapproprié. Avoir une relation personnelle avec son entraîneur n’est pas une mauvaise chose en soi. Par contre, elle le devient lorsque ça va plus loin. J’encourage ainsi les parents à tout connaître de la relation de leur enfant avec son entraîneur. » POURQUOI LES VICTIMES NE PARLENT-ELLES PAS? Forsyth parle d’entrée de jeu de la peur de représailles. Les victimes pensent aussi qu’une éventuelle dénonciation ne mènera à rien. « Ils connaissent la statistique qui indique que moins d’un pour cent des cas rapportés se terminent avec des condamnations. Ce n’est rien pour les encourager à agir. » La honte, l’anxiété et la culpabilité poussent aussi les victimes au silence.