ALLISON FORSYTH
PARLER DE SON EXPÉRIENCE
POUR MIEUX COMPRENDRE
Le terme « grooming » revient souvent dans le cadre de cet entretien avec Allison Forsyth.
L’ancienne skieuse, qui a notamment participé aux Jeux olympiques de Salt Lake City en
2002, explique comment un prédateur s’y prend pour manipuler une victime. En français,
on parle de « pédopiégeage ». Si cette pratique est commune sur Internet et les différentes
applications numériques, Forsyth, elle, la définit comme étant une forme de favoritisme
et d’isolement d’un athlète.
Allison Forsyth est l’une des douze
victimes ou présumées victimes de
l’ex-entraîneur Bertrand Charest,
qui a été jugé coupable, en 2017, de
plusieurs actes de nature sexuelle.
L’ancienne skieuse alpine a décidé
de sortir de l’ombre en 2018 dans
l’espoir d’obtenir des changements
dans le monde du sport afin de mieux
protéger les athlètes contre de telles
agressions.
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IL LEUR [AUX PARENTS] FERA
COMPRENDRE QUE SANS SON AIDE,
LE FUTUR DE L’ENFANT, EN TANT
QU’ATHLÈTE, EST COMPROMIS ET
QU’IL EST INDISPENSABLE DANS LE
SUCCÈS DE CE DERNIER.
La Britanno-Colombienne est bien placée
pour en parler. Selon ses allégations, elle
a elle-même été prise au piège à la fin des
années 90 par son ex-entraîneur Bertrand
Charest. « Le prédateur, ou agresseur sexuel,
selon ce qu’elle explique, piègera tout le
monde dans l’entourage de la victime. Il
s’assurera aussi d’avoir l’organisation sportive
[dans laquelle la victime évolue] de son
côté. » Il est très intelligent et charismatique,
si bien que même les parents seront bernés.
C’est d’ailleurs l’une des tactiques utilisées
par le prédateur, selon Forsyth. « Il leur fera
comprendre que sans son aide, le futur de
l’enfant, en tant qu’athlète, est compromis
et qu’il est indispensable dans le succès de
ce dernier. » L’approche sera la même avec
l’athlète, qui sera bien souvent déjà vendu à
l’idée. « Il est normal, lorsque nous avons des
buts et des objectifs, de vouloir nous attirer
les faveurs de notre entraîneur. Il s’agit d’une
situation courante et normale. À partir de
là, il est très facile d’en tirer profit », affirme
Forsyth. Malheureusement, lorsque l’athlète
s’aperçoit que quelque chose d’anormal se
passe, il est déjà trop tard. Ce dernier se sent
alors bien seul.
TENNIS-MAG Nº 116 - DÉCEMBRE 2019 - PAR TENNIS QUÉBEC
LES SIGNAUX À OBSERVER
Quels sont les signes à déceler dans pareille
situation? « On doit s’interroger lorsqu'une
personne en autorité commence à texter
notre enfant, par exemple. Même chose si
elle commence à le prendre dans ses bras,
ou bien si elle insiste pour conduire seule
votre enfant à une destination quelconque.
Évidemment, on doit aussi regarder pour
tout geste qui pourrait être inapproprié.
Avoir une relation personnelle avec son
entraîneur n’est pas une mauvaise chose
en soi. Par contre, elle le devient lorsque ça
va plus loin. J’encourage ainsi les parents à
tout connaître de la relation de leur enfant
avec son entraîneur. »
POURQUOI LES VICTIMES NE PARLENT-ELLES PAS?
Forsyth parle d’entrée de jeu de la peur de
représailles. Les victimes pensent aussi qu’une
éventuelle dénonciation ne mènera à rien.
« Ils connaissent la statistique qui indique
que moins d’un pour cent des cas rapportés
se terminent avec des condamnations. Ce
n’est rien pour les encourager à agir. » La
honte, l’anxiété et la culpabilité poussent
aussi les victimes au silence.